Description
Avant 1946, ma mère qui avait grandi dans le canton de Berne avait rarement lâché sa région. Elle parlait mal le français. Vivre à l’étranger, en France, dans un pays qui sortait tout juste d’une guerre particulièrement violente était pour elle une épreuve presque insurmontable. Elle aimait pourtant accueillir tous ceux que mon père, “le pasteur des Suisses”, trouvait sur son chemin, mais quittait rarement Cathala, son havre, sa patrie, son refuge. Après chaque sortie, elle retrouvait, soulagée, sa maison, ses armoires, ses piles de draps, ses tiroirs, ses réserves de guerre, ses enfants et ceux que mon père lui amenait. Elle jetait une bûche dans l’âtre, faisait craquer une allumette puis se relevait, mettait son tablier de cuisine pour accueillir tout un peuple de solitaires et d’affamés.
Jusqu’au jour où la Garonne vint.