Description
Un Arbre de Vie, IV
— J’ai eu peur de mourir, je ne savais pas m’y prendre; tout allait de travers. Si tu avais été ici…
— J’aurais été affreusement inquiet et malheureux sans vous être d’aucun secours.
— N’as-tu jamais assisté à une naissance?
— Assisté, sans doute, mais assister ce n’est pas savoir intervenir. Il sent qu’il n’a pas répondu à sa véritable question. Elle reprend:
— Peut-être m’aurais-tu donné la permission de partir…
— Certainement non! Nous avons tous besoin de toi. De légers bruits de succion montent du berceau. Jean-Charles s’approche. Le petit être qui émerge du sommeil et manifeste une impérieuse volonté de vivre, que perçoit-il de la lumière et de la grande ombre qui se penche sur lui?
— Anna a faim, dit Suzette. Prends-la, donne-la moi, ici, tout près. Les poings serrés du bébé pressent le sein gonflé de la mère; avides, les lèvres se rivent au mamelon. Suzette somnole. Dans la chambre plus fraîche que les autres où le soir s’installe, Jean-Charles garde dans ses mains, qui ont déjà recousu et pansé tant de plaies, le poids léger et la chaleur d’un nouveau-né. Étrange loi de la condition humaine qui impose à la femme la mise au monde des enfants. Du fond des âges, les générations se succèdent, effacent le passé, bouleversent le présent, disparaissent sans avoir élucidé le mystère de leur origine et de leur fin.