L’Association vaudoise des écrivains dénonce une «sélection opaque» au Livre sur les quais

Le groupe regrette que divers auteurs locaux aux parutions récentes n’aient pas été retenus pour participer à la manifestation.

Ill: Le Livre sur les quais accueille cette plus de 120 auteurs suisses. Image: DR

Annik Mahaim publie ce mois «La femme en rouge» aux Éditions Plaisir de Lire. Pile dans l’actualité pour Le Livre sur les quais, qui prendra ses quartiers à Morges le week-end prochain, du vendredi 31 au dimanche 2 septembre. Pourtant, elle n’y sera pas. Tout comme Sabine Dormond et Cornélia de Preux, respectivement présidente et responsable communication de l’Association vaudoise des écrivains (AVE). Ou encore son vice-président, Olivier Chapuis, qui sort «Le chat» à L’Âge d’homme. En tout, une quinzaine de membres de l’association – une fraîche actualité littéraire à leur crédit – n’ont pas été retenus pour la manifestation du bord du lac. Un revers qui a suscité, mardi, la diffusion d’un communiqué de presse dénonçant une sélection des écrivains «selon des critères opaques». L’association y «regrette vivement cette perte de visibilité de la florissante rentrée littéraire romande».

Même une régionale de l’étape, la Morgienne Tiffany Jaquet, qui sort son premier roman, attendra. D’autres sont des habitués, comme Anne-Frédérique Rochat, qui publie avec une rigueur de métronome un roman à chaque rentrée. «Miradie» (Éd. Luce Wilquin), la Lausannoise le présentera ailleurs. «Je suis venue sept fois à Morges, je comprends donc qu’il faut laisser la place, mais je suis triste, car il y avait des lecteurs que je retrouvais chaque année, j’avais rendez-vous avec eux.» En revanche, des auteurs dont les textes sont parus avant Noël seront présents, comme Catherine May avec «London Docks» (Plaisir de Lire).

Claire Chazal et Didier Burkhalter

Du côté des éditeurs, la Belge Luce Wilquin, qui travaille aussi en Suisse ou en France, se dit perplexe: «Parmi mes cinq auteurs de la rentrée, il y a deux Romandes. Elles n’ont pas été sélectionnées. En revanche, la Valaisanne Abigail Seran, que j’ai publiée en début d’année, y sera.» Entre contentement pour l’une et déception pour les autres, l’éditrice remarque: «C’est un peu dommage car, pour avoir fréquenté beaucoup de manifestations de ce type, je sais qu’à Morges il y a énormément de gens curieux, qui sont là pour découvrir. C’est un public très patient, qui prend le temps. Or vont-ils trouver leur compte s’il n’y a que des locomotives?»

La Belge rejoint sur ce point un autre reproche formulé par l’AVE. «Nous regrettons la part grandissante accordée à des célébrités, notamment de la classe politique ou de la télévision.» Didier Burkhalter ou Claire Chazal, pour ne citer qu’eux. Répondant aux critiques ( lirel’encadré ), la directrice Sylvie Berti Rossi rappelle qu’«à l’origine, il s’agit d’un salon du livre, et pas de la littérature».

C’est aussi les origines que se remémore Annik Mahaim: «Au début, on était dans quelque chose de simple, de plus romand, avec moins de vedettes. Il y avait des tables de dédicace avec un tournus d’auteurs, cela permettait une visibilité de toute la rentrée littéraire.» Pourquoi ne pas revenir à cette formule? «Nous regrettons d’autant plus cette évolution, remarque l’AVE, que Le Livre sur les quais est soutenu par les pouvoirs publics locaux, cantonaux et fédéraux.»

Le droit au libre arbitre

Les éditeurs romands contactés ne se hasardent pas, pour leur part, à commenter les décisions du comité de sélection de la manifestation, «qui a droit à son libre arbitre». Certains admettent avoir été parfois étonnés par les choix opérés. «C’est assez aléatoire», résume en off l’un d’eux. Tandis qu’un autre relève qu’il s’agit d’une vitrine unique «qui met en avant la création romande, et où l’on gagne de l’argent car on vend des livres, ce qui est loin d’être le cas dans toutes les manifestations». Caroline Rieder (24 heures)

Créé: 22.08.2018, 10h11

Interview

«Comme on croule sous les demandes, on doit faire des choix»

À la barre d’un rendez-vous qui n’a cessé de grandir et de gagner en notoriété, la directrice, Sylvie Berti Rossi, répond aux critiques de l’Association vaudoise des écrivains.

Un nouveau livre romand ne suffit plus à assurer son ticket d’entrée?

Il y a un malentendu à ce sujet. Avoir une actualité est l’un des critères, mais n’a jamais été le seul. De plus, il y a eu une très forte augmentation des demandes et, comme il n’y a que 280 places à disposition, nous devons faire des choix afin de composer un menu équilibré. Je comprends qu’il puisse y avoir des frustrations, mais nous ne pouvons pas inviter tout le monde.

Qui choisit?

Un comité de huit personnes composé de journalistes, de libraires et de deux membres du Livre sur les quais, dont moi. Nous décidons parmi les propositions qu’on reçoit de la part d’éditeurs et d’écrivains. Il y a toujours une part de subjectivité, comme dans tout comité, mais l’idée est de s’appuyer sur une palette de personnes qui ont des affinités différentes.

L’AVE évoque des critères «opaques». Quels sont-ils?

C’est toute une mécanique complexe où nous prenons en compte, outre l’actualité éditoriale, les thèmes, les genres littéraires, l’équilibre entre auteurs très connus et jeunes talents. Nous avons cette année une vingtaine de premiers romans. Nous essayons aussi de renouveler les têtes. Pour cette édition, un tiers de la sélection n’est jamais venu à Morges.

Quelle est la proportion d’auteurs suisses?

Il y en a 120 à 130, ce chiffre reste stable, et 90 venus de France. Le reste est composé de la littérature jeunesse, d’invités anglophones, italiens, ou encore de traducteurs.

Pourquoi ne pas faire venir plus de poulains de chaque éditeur, qui se partageraient le temps de signature?

Cela voudrait dire deux ou trois fois plus de travail, et nous n’avons pas les ressources pour cela. Aujourd’hui, on commande déjà 50 000 livres avant le début de la manifestation.

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